Officiellement membre du Jury Prix des Lecteurs 2022, catégorie Essais / Documents de Livre de Poche, je vous partage aujourd'hui mon avis sur le premier livre de la sélection : Rage Against the Machisme, de Mathilde Larrère.

Le livre en quelques mots
Rage against the machisme est un essai féministe qui retrace l’histoire des femmes ayant lutté pour leurs droits, depuis la révolution française jusqu’au mouvement Me Too.
À travers différents thèmes, Mathilde Larrère raconte comment des femmes se sont battues pour obtenir les mêmes droits que les hommes.
D'Olympe de Gouge à la loi de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, Rage Against The Machisme dénonce plus de 2 siècles de patriarcat, d’inégalités des sexes, de discrimination et de misogynie, en mettant en lumière les combats de femmes.
Mon avis
Ayant déjà lu Les grandes oubliées de l’Histoire Titiou Lecoq, j’ai eu une sensation de double son de cloches parfois, mais ce n’est pas plus mal, car les deux livres sont construits de manière très différente et pourront sans doute parler à différentes personnes tout en délivrant le même message. Ils se complètent parfois, là où Titiou Lecoq ne raconte qu’une anecdote, Mathilde Larrère pousse l’histoire un peu plus loin. En avançant dans ma lecture, je me suis rendue compte que j’aurai aimé que ce livre soit construit à l’envers, parce que j’ai trouvé les 6 premiers chapitres redondants avec le livre de Titiou Lecoq.
J’ai aussi eu du mal à accrocher aux premiers chapitres, parce que je les ai trouvé très désorganisés. De nombreux mouvements politiques sont énoncés, des personnalités publiques de l’Histoire aussi, et pas une seule petite note de bas de page pour nous faire une petite présentation. J’ai ainsi été titillé plusieurs fois par les termes de Fourriéristes, Montagnards, Malthusiens et j’en passe. J’aurais aimé un peu plus de pédagogie politique et historique, car souvent je me suis sentie perdue. Pourtant, je me considère comme plutôt pas mal politisée et renseignée historiquement, alors je me dis que d’autres moins intéressé·e·s auront eu sans doute plus de mal que moi à sortir la tête du livre avec les idées claires.

Une construction au début un peu brouillon donc, presque thésarde, avec des allers-retours dans le temps qui déstabilisent au début. Mais, une fois le flou un peu dépassé, le livre s’éclaircit et une organisation chronologique commence à se dessiner (à partir de 1910).
D’ailleurs, j’ai remarqué un changement probant de ton dès le chapitre 7 : l’autrice est moins académique, elle me parle vraiment et j’apprécie beaucoup plus ma lecture.
J'ai appris que les femmes d’agriculteurs n’ont vu leur statut de travailleuses reconnu qu’à partir du milieu des années 80 (avant cela, elles étaient considérées comme « sans profession » ), que les femmes n’ont pas pu avoir de comptes bancaires à leur nom avant 1965 et que l’argent de leur travail était touché par leur mari ou leur père. Jusqu’au début du XXe siècle, les femmes enceintes restaient à leur poste de travail jusqu’à l’accouchement tout en étant payées à la pièce, alors que les hommes étaient déjà payés à la journée.
Je fais la connaissance de Joséphine Pencalet, dont l’histoire de sa lutte d’ouvrière féministe est bouleversante, de Malika El Fassi, marocaine qui proteste dans les années 30 contre l’interdiction faite aux femmes d’entrer à l’université et seule femme qui signe le Manifeste de l’indépendance du Maroc en 44 ; et de Solitude, figure féminine des insurgés de 1802 en Guadeloupe qui incarne les femmes et les mères des Caraïbes.
Dans un autre contexte, j’ai beaucoup apprécié l’annonce dès le début de la reconnaissance de l’autrice d’un féminisme intersectionnel. On pourrait en attendre moins d’une femme issue de la bourgeoisie, et c’est ce qui me faisait peur en commençant le livre. Cependant, si Mathilde Larrere passe mon test « n’est pas une TERF », je me suis malgrè tout retrouvée sur ma faim. J'aurai aimé davantage d'histoires de luttes de femmes racisées, hors métropole, et de femmes LGBT qui luttent encore aujourd'hui et sont intrinsèquement liées au féminisme. Et puis, il m'a manqué l'histoire d'Arlette Laguiller, première femme française à se présenter aux élections présidentielles.

Si je devais donner une note à ce live malgré tout, je lui donnerais la note de 3,5 / 5, avec comme commentaire : Bien, mais aurait pu être mieux organisé pour retenir davantage l'attention.
Quelques mots sur l'autrice
Mathilde Larrère est une historienne française spécialiste des mouvements révolutionnaires et du maintien de l’ordre en France au XIXe siècle.
Née dans un milieu bourgeois, elle est fille d’un ingénieur agronome et d’une philosophe. Militante au Parti de gauche, elle est candidate sur la liste du PG des élections municipales de 2014 pour le 12 arrondissement.